La prise en charge des TCA dans le cadre de la TCD (Thérapie Comportementale Dialectique)

La prise en charge des troubles des conduites alimentaires est parfois complexe puisqu’elle touche à la fois le rapport au corps, à la nourriture, à l’anxiété et aux émotions.

De plus en plus de recherches et d’expériences cliniques montrent que la Thérapie Comportementale Dialectique (TCD), bien qu’à l’origine conçue pour traiter le trouble de la personnalité borderline, est particulièrement adaptée pour accompagner les personnes souffrant de TCA.

Mais pourquoi cette approche est-elle si pertinente ? Comment fonctionne-t-elle concrètement ?

Qu’est-ce que la TCD ?

La Thérapie Comportementale Dialectique a été développée dans les années 1990 par la psychologue américaine Marsha Linehan. Elle est issue des thérapies cognitivo-comportementales (TCC), auquelle elle y ajoute une dimension essentielle : l’équilibre entre l’acceptation de soi et le changement.

La TCD repose sur l’idée que certaines personnes éprouvent des émotions très intenses, qu’elles ont du mal à réguler. Ces émotions peuvent alors entraîner des comportements problématiques et à risques. L’objectif principal de la TCD est d’apporter aux patient·e·s des outils pour mieux reconnaître, comprendre et gérer leurs émotions, tout en adoptant des comportements alternatifs plus sains.

Les TCA : bien plus que des problèmes alimentaires

Contrairement à une idée reçue, les TCA ne sont pas simplement des troubles du comportement autour de la nourriture. Ils sont souvent accompagné d’un mal-être émotionnel. Beaucoup de personnes qui souffrent d’un TCA utilisent la nourriture comme un moyen de gérer leur détresse : manger pour calmer une anxiété, se restreindre pour reprendre un sentiment de contrôle, ou se faire vomir pour se punir…

Ce lien étroit entre émotions et comportements alimentaires rend la TCD particulièrement pertinente. Là où d’autres approches se concentrent sur l’alimentation elle-même, la TCD s’intéresse à ce qui se passe en amont : les émotions et pensées qui déclenchent les comportements.

Les quatre piliers de la TCD

La TCD s’organise autour de quatre modules principaux, chacun visant à développer des compétences spécifiques.

1. La pleine conscience (2 séances)

Il s’agit d’apprendre à être pleinement dans l’instant présent, sans jugement. Pour les personnes concernée par des TCA, cela peut aider à :

• Repérer les signaux de faim ou de satiété.
• Prendre conscience des pensées automatiques liées à l’image du corps ou à la culpabilité alimentaire.
• Développer une relation plus apaisée avec soi-même et avec la nourriture.

2. L’efficacité interpersonnelle (5 séances)

Souvent, les personnes souffrant de TCA rencontrent des difficultés relationnelles : peur du rejet, difficulté à poser des limites, tendance à s’oublier pour plaire… Ce module aide à mieux communiquer, à exprimer ses besoins et à renforcer l’estime de soi dans les relations.

3. La régulation des émotions (5 séances)

Ce module vise à mieux comprendre et accepter ses émotions, à les identifier et à apprendre à les gérer de manière plus adaptée. Pour quelqu’un qui fait des crises de boulimie en réponse au stress ou à la tristesse, cela peut offrir des alternatives concrètes pour faire face sans utiliser la nourriture comme seul exutoire.

4. La tolérance à la détresse (4 séances)

Ici, le travail porte sur la capacité à faire face aux situations douloureuses ou stressantes sans s’effondrer ni se faire de mal. Cela peut être crucial pour une personne qui, face à une émotion trop forte, aurait tendance à se restreindre sévèrement ou à se faire vomir. On y apprend des stratégies pour « traverser la tempête » émotionnelle sans comportement auto-destructeur.

Un cadre structuré et soutenant

L’un des atouts majeurs de la TCD est sa structure claire et son accompagnement étroit :

• Un programme de psycho-éducation qui se déroule sur 16 séances sur une plateforme sécurisée en visio animé par un(e) ou plusieurs thérapeute(s)
• Des séances hebdomadaires en groupe pour apprendre et mettre en pratique les outils. Ces moments de partage permettent d’échanger autour des réussites et difficultés rencontrés, de se sentir entouré(e)s
• Des outils concrets à mettre en place au quotidien et des exercices d’une semaine à l’autre pour s’entraîner aux compétences. À la fin de chaque séance, le patient reçoit le support PDF avec les outils étudiés ensemble, qu’il peut consulter à sa guise quand il en ressent le besoin.
• Des séances individuelles si besoin pour intervenir sur des problématiques plus personnelles

Cette structure est particulièrement rassurante pour des personnes qui peuvent se sentir anxieuses, dépassées ou désorganisées par leurs émotions.

Des résultats encourageants

Des études cliniques ont montré que la TCD permet :

• Une réduction significative de la fréquence et de l’intensité des crises de boulimie ou d’hyperphagie.
• Une amélioration de la régulation émotionnelle.
• Une baisse des comportements à risque
• Un renforcement de l’estime de soi et de l’autonomie.

Il est important de noter que la TCD n’est pas une approche nutritionnelle. Elle ne remplace pas un suivi diététique ou médical. En revanche, elle complète très efficacement ces approches en travaillant sur le cœur émotionnel du trouble.

Elle ne cherche pas à forcer un changement brutal, mais plutôt à accompagner la personne, pas à pas, vers une meilleure compréhension d’elle-même. Elle valorise la bienveillance, la validation des ressentis et l’idée que l’on peut changer sans se juger ni se blâmer.

Conclusion

La Thérapie Comportementale Dialectique permet de construire un espace de sécurité intérieure, de renforcer la résilience et de reprendre le pouvoir sur ses choix.

En alliant acceptation et changement, bienveillance et structure, la TCD ouvre une voie d’apaisement durable. C’est une approche humaine, respectueuse, qui offre non seulement des outils, mais aussi un nouveau regard sur soi-même.

JULIE MAURER - Psychopraticienne & Musicothérapeute